Château de Montmusard – Vue perspective (huile sur toile de Jean-Baptiste Lallemand)
Au 18ème siècle, des familles de parlementaires font l’acquisition d’anciens domaines à la périphérie de Dijon, comme le Clos de Pouilly, ou Bressey sur Tille, soit pour les mettre au goût du jour, soit pour construire de nouvelles bâtisses, comme le Castel. Ces domaines deviennent le théâtre de somptueuses fêtes, ou permettent tout simplement un retour à une vie champêtre dans l’esprit de Jean-Jacques Rousseau.
Le château de Montmuzard naît donc de cette émulation des parlementaires dijonnais à se construire de belles demeures entourées d’un vaste parc agrémentées de folies et de kiosques.

C’est sur une hauteur à l’est de Dijon que Montmuzard (le château du Mont des Muses) sera édifié par la famille Fyot de la Marche. En 1765, Claude Philibert Fyot de la Marche demande à un jeune architecte, lauréat du Prix de Rome (1752) mais encore peu connu, Charles de Wailly (1730-1798) de concevoir une demeure de plaisance sur le thème d’Apollon et des Muses.
Le choix de ce thème déterminera le parti pris de l’architecte d’organiser la construction autour de deux éléments circulaires reliés par un vestibule et encadrés par deux ailes en forme de parallélépipèdes. (voir plan). A travers ce choix, de Wailly put traduire sa passion pour la figure géométrique parfaite, le cercle.
Il mettra aussi en pratique les connaissances acquises lors de son séjour romain, et deviendra l’un des principaux représentants du style néo classique.

L’un de ces cercles, à l’est, abrite un salon de plein air, communément appelé Odeum ou Temple d’Apollon, et consiste en un péristyle circulaire d’ordre dorique, surmonté d’une balustrade agrémentée de 6 statues, dues au ciseau de Claude François Attiret : les quatre saisons, Melpomène (la muse du chant), et Thalie (la muse de la comédie).
Le second cercle, composé d’un RDC et d’un premier étage, sera recouvert d’une magnifique coupole en plomb et orné d’une colonnade intérieure répondant au péristyle extérieur.
Sous cette coupole se trouvait le plafond du salon des Muses ; pièce prestigieuse du premier étage de laquelle on pouvait admirer toute la ville de Dijon. Le plafond circulaire peint par François Devosges représentait Apollon entouré des muses sur le sommet de l’Hélicon. Les écoinçons représentaient des scènes de la vie du fils de Zeus et de Léto, dessinées aussi par Devosges.
L’effet de ces deux pièces circulaires côte à côte était surprenant et le rendu magnifique par le jeu des volumes, des vides et des pleins, et la présence de cette coupole visible de loin.
A l’extérieur, les murs ornés d’un sobre bossage en table étaient animés par le renfoncement des fenêtres sommées d’oculi aveugles.
La construction tirait habilement parti de la déclinivité du terrain, avec une pièce d’eau au premier plan et la vue de la ville dans le lointain.

Claude Philibert Fyot de la Marche meurt en 1768, avant l’achèvement des travaux.
C’est son fils Jean Philippe Fyot de la Marche qui mènera les travaux à son terme en 1770. Jean Philippe Fyot de la Marche , premier Président au Parlement de Bourgogne, y organise dès lors des réceptions et des fêtes somptueuses, que les chroniques de l’époque ne se lassent pas de rapporter.
Cependant, ne pouvant combler par son héritage le déficit et les dettes accumulées pour la construction du château et les fêtes qui y sont données, dépassé par le coût de l’entretien du domaine, épuisé et vraisemblablement malade, Jean Philippe Fyot de la Marche démissionne de sa charge de premier président en avril 1772, avant de mourir le 10 octobre de la même année.
Sa soeur Marie Madeleine hérite du domaine de Montmuzard, qu’elle s’empresse de vendre à Jacques Demay, négociant très fortuné d’Arc les Gray. Le petit fils de ce dernier, Claude Hubert Antony, après en avoir hérité de ses parents en 1784, transforme le château et le parc en propriété de rapport. Il mure une partie des ouvertures et vend la coupole en plomb en 1793. Il fait démolir les deux tiers de l’édifice vers 1795 et transforme en corps de logis le passage entre les deux anciennes ailes. Le château adopte alors un plan en forme de T.
Après différentes successions, la propriété est malheureusement morcelée à partir de 1867. Le passage du chemin de fer et la construction de la gare Porte Neuve amputèrent le parc de sa partie sud. Le reste fut loti pour créer un nouveau quartier qui prit le nom du domaine : Montmuzard.
Sur les 72 hectares d’origine du domaine, moins de 3 hectares subsistent encore…pour combien de temps ?
Les aléas de l’histoire sur ce prestigieux domaine n’enlève rien en l’intérêt historique et architectural de ces vestiges. Il serait vraiment dommage que ce qui fut l’une des plus belles demeures françaises du 18ème siècle perde le peu d’écrin de verdure qui lui reste (lire l’article Alerte à Montmuzard !)