Vue partielle d’une aile du château depuis la rue Montmuzard
Si le château et le parc de Montmuzard dans leur état actuel ne sont plus que le pâle reflet de la splendeur d’un vaste domaine conçu en 1765, cet ensemble n’en reste pas moins très intéressant pour l’histoire et l’architecture de Dijon (lire Histoire du château de Montmuzard). Le parc est un poumon vert, avec de nombreux arbres aux portes du centre ville.
Le 23 novembre 2020, un permis de construire a été accordé à la SCI Dijon Montmuzard gérée par le Groupe NEXITY pour la construction d’un ensemble de 54 logements.
C’est étonnant dès lors que le château de Montmuzard est inscrit comme monument historique depuis le 29 août 1929.
Comment et pourquoi l’Architecte des Bâtiments de France (ABF), employé par la DRAC, a-t-il autorisé ce projet immobilier le 13 juillet 2020 ?
Pour rappel :
- la DRAC est responsable de la protection du patrimoine historique et culturel en tant que représentante du Ministère de la Culture pour la région Bourgogne Franche Comté.
- En vertu des art 621-30 et 621-31, en l’absence de périmètre délimité, une distance au minimun de 500 mètres doit être respectée. Il est même précisé que cette protection s’applique à tout immeuble bâti ou non bâti visible du monument historique ou visible en même temps que lui.
Comme le reconnaît implicitement l’ABF dans l’autorisation ci-dessous, les articles 621-30 et 621-32 et 632-2 de la loi patrimoine ne seraient pas respectés.
Néanmoins, il donne son accord en l’accompagnant d’une prescription unique (voir le document ci-dessous, au dessus à gauche de la signature)
Ainsi, définir la matière des menuiseries (bois peint ou aluminium) serait suffisant pour pallier à l’ atteinte portée au monument et à ses abords, et permettre la bétonisation de ce parc. Est-ce bien sérieux ?
Nous avons décidé de prendre contact avec la DRAC et l’ABF en charge de ce dossier afin de demander des explications.
Nous ne manquerons pas non plus d’interpeller aussi le Ministère de la Culture, ministère de tutelle de cette administration régionale afin d’avoir son avis sur ce dossier.
Nous invitons les lecteurs de cet article à faire de même. (coordonnées de ces administrations en bas d’article).
Par ailleurs, à la page 3 du permis de construire, il est mentionné que : « Le terrain est situé dans un secteur sensible à la remontée de nappe et à l’aléa de retrait-gonflement d’argile dans lequel la réalisation de caves et de sous sol est fortement déconseillée. Le pétitionnaire (ici SCI Montmuzard) est invité à privilégier la construction sur vide et à consulter un bureau d’études spécialisé en études de sols afin de déterminer les mesures constructives à adopter pour assurer la stabilité et la pérennité de la construction projetée« .
Or, un plan de coupe du projet montre la présence de garages en sous sol…
Une atteinte à l’environnement
La présence de ce parc aux portes du centre ville est une chance.
Plutôt que de bétonner un espace vert, certes privé, la ville n’aurait-elle pas eu intérêt à préempter le terrain, lors de la vente, et surtout à le protéger en le rendant inconstructible et en le rachetant ?
Evidemment, la ville de Dijon, afin de dégager sa responsabilité ou de la minimiser pourrait botter en touche avec l’argument : c’est une affaire privée, nous ne pouvons rien faire ! Ce type de réponse ne serait pas digne d’autorité municipale, qui communique constamment sur l’écologie, la ville verte, le confort et le bien vivre des dijonnais ?
La ville ne serait-elle pas victime de daltonisme urbain, en confondant le vert de la nature avec le gris du béton, la préservation des espaces verts pour lutter contre le réchauffement urbain et la bétonisation des sols alliée à la densification humaine à outrance ?
Les dijonnais(es) pourraient y voir une des raisons, si ce n’est la raison du deuxième échec consécutif de Dijon au concours de capitale verte européenne 2022.
Dans leur présentation de la candidature de Dijon, les élus affirmaient, entre autres, protéger la biodiversité, tout en prônant la densification urbaine. (Bien Public du 8 octobre 2020 et tweet du maire de Dijon).
La lutte contre le réchauffement climatique est tout à fait compatible avec la protection du patrimoine historique et architectural de Dijon, en défendant ce parc contre le projet immobilier.
La sauvegarde du patrimoine de Dijon n’est pas un combat d’arrière garde, mais reste bien un sujet d’actualité par ses nombreux aspects non seulement économiques mais aussi et surtout environnementaux. Le saccage annoncé de ce parc en est un parfait et triste exemple.
N’y aurait-il pas un double discours des autorités municipales et métropolitaines qui leur ferait perdre toute crédibilité tant auprès des dijonnais(es) mais surtout auprès des institutions nationales, européennes et internationales pour la lutte contre le réchauffement climatique et la promotion de villes respectueuses de l’environnement ?
N’oublions pas que la densification de la population -dont le rôle en pleine crise sanitaire a été amplement démontré par les scientifiques comme néfaste- favorise la propagation des épidémies.
« Gouverner, c’est prévoir » : il est donc du ressort de nos élus municipaux et métropolitains, quelle que soit leur couleur politique, de limiter cette densification, et de protéger les quelques rares espaces verts encore présents à Dijon.
De Mirande à Montmuzard
Nous ne pourrions passer sous silence la présence d’un autre espace vert, avec une biodiversité urbaine intéressante, qui se trouve au bas de la rue de Mirande. Il s’agit de la Maison du Colonel et de son parc, qui en début d’année ont fait l’objet d’un article dans le Bien Public. Comme pour Montmuzard, un programme immobilier devait y être construit. Les riverains de la Maison du Colonel, via un collectif, se sont mobilisés contre ce programme et pour la préservation de cet espace vert. A l’heure actuelle, ils auraient été entendus.
Est-ce possible de sauver également le parc de Montmuzard ?
Les riverains se mobilisent et ont adressé des courriers au délégué de l’urbanisme. D’après eux, ce dernier aurait refusé toute discussion. Le programme immobilier doit se faire, même si c’est au détriment du patrimoine historique et architectural mais aussi au détriment de l’environnement.
Une pétition pour sauver le parc Montmuzard est en cours : https://www.mesopinions.com/petition/nature-environnement/sauvons-parc-boise-chateau-montmuzard/123356
Ne serait-il pas temps, au vu des nombreux programmes immobiliers passés ou en cours, de rééquilibrer l’urbain au profit d’un environnement malmené ?
Un arbre séculaire et un arbrisseau de quelques années qui le remplacerait n’ont pas la même valeur ni le même impact sur l’environnement.
Il est encore temps de ne pas commettre l’irrémédiable,en offrant aux dijonnais(es), ce qu ‘ils souhaitent de plus en plus : de véritables espaces verts, lieux de détente et de convivialité.
Comme pour la Maison du Colonel, la Ville de Dijon et la Métropole ont les moyens de mettre un terme à ce programme immobilier, ce qui serait une preuve de cohérence et rendrait leur communication pro-environnement crédible aux yeux des dijonnais(es).
Pour des raisons historiques, architecturales, légales et environnementales, le château et le parc de Montmuzard doivent être préservés, et protégés notamment contre l’appétit insatiable des promoteurs et investisseurs immobiliers.
Adresses
- Ministère de la Culture
Madame Roselyne BACHELOT
rue de Valois
75001 PARIS - DRAC Bourgogne Franche Comté
Madame Cécile ULLMANN
39-41 rue Vannerie
BP 10578
21005 DIJON CEDEX
https://www.culture.gouv.fr/Regions/Drac-Bourgogne-Franche-Comte/Nous-contacter