Histoire et description de l’hôtel Filsjean de Mimande

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A l’origine de l’Hôtel Filsjean de Mimande, situé 61 rue des Godrans, il y a deux hôtels, l’hôtel Jacqueron, et l’hôtel Godran. L’hôtel Godran a été édifié au 15ème siècle ; les restes visibles actuellement ne sont qu’un pâle reflet de l’importance de cette construction et de la famille qui l’occupait.

Les Godrans, une illustre famille dijonnaise

Le premier Godran connu est Odinet Godran né en 1425 à Paris exerçant l’activité de mercier. Sous Philippe le Bon, il s’installe à Dijon et fait édifier un vaste hôtel englobant l’hôtel Jacqueron.
L’hôtel Godran occupait une surface délimitée par la rue François Rude, la rue des Godrans et la Rue de la Liberté.

En 1464, Odinet Godran acquiert le droit d’éminage, ce qui va accroître la fortune familiale. L’éminage était un droit seigneurial autorisant la vente de grains. Devenu un riche bourgeois, possédant une imposante et belle demeure, l’ascension d’Odinet Godran va se poursuivre et lui permettre avec l’aide de Thomas Berbisey d’obtenir le déplacement du Parlement de Bourgogne de Beaune à Dijon, ce qui ne sera pas sans conséquence sur l’essor de Dijon, mais aussi sur l’ascension sociale de la famille Godran.
Il participera au financement de la reconstruction de l’Eglise St Jean, ou il se fera inhumé ainsi que de nombreux membres de sa famille. Sans descendants, il léguera sa fortune et ses charges honorifiques à ses neveux. Les descendants de ces derniers ne cesseront d’occuper et de jouer un rôle social de plus en plus important à Dijon (échevins, conseillers au Parlement de Bourgogne).
Par l’achat de charges, notamment dans la magistrature, la famille Godran fera partie de la noblesse de robe et s’alliera avec d’autres familles nobles. Leur pouvoir s’étendra sur les parlements de Dijon (pour la Bourgogne) et de Dôle (pour la Franche Comté).

Philibert Godran (petit neveu d’Odinet 1er), échevin de la ville de Dijon, sera donné en otage aux suisses qui assiègent Dijon en 1513 et sera libéré contre une rançon de 1 000 écus en 1515, somme considérable pour l’époque. Pour commérer le Siège de Dijon en 1513, il fera tisser à Tournai dans les Flandres une tapisserie visible au Musée des Beaux Arts de Dijon (voir photo ci-dessus).

Autre illustre membre de cette famille, Odinet III Godran sera président du Parlement de Bourgogne. A sa mort en 1581, il léguera une grande partie de sa fortune aux Jésuites avec pour mission de créer un collège portant le nom de sa famille. Le Collège des Godrans devra enseigner la philosophie, le droit et accueillera 1000 élèves parmi lesquelles Bossuet, Charles de Brosses, Buffon, Rameau, Crébillon et bien d’autres célébrités. En 1803, ce collège deviendra la Bibliothèque Municipale de Dijon (un article sur cet édifice paraîtra prochainement).

Le collège des Godrans devenu bibliothèque municipale

De la période ducale et renaissance, date la tour dite de l’escalier côté place François Rude (plus connu sous le nom de Place du Bareuzai) et les façades de style gothique donnant sur une courette, avec un puits style renaissance et un passage voûté de style fin gothique.
Cette courette est agrémentée d’une statue de Sainte Marguerite terrassant le dragon, en hommage à l’épouse d’Odinet 1er Godran, Marguerite de Salemond.
La tour de l’escalier sera prolongé d’un corps de bâtiment au 17ème siècle, cet ensemble faisait partie de l’hôtel Jacqueron.
Quant à la courette et son puits renaissance ainsi que le passage voûté, il s’agit des vestiges de l’Hôtel Godran. En effet, depuis le mileu du 16ème la famille Godran occupait et privilégiait les aménagements d’un autre hôtel situé rue Hernoux à Dijon (toujours visible) au détriment de l’hôtel Godran.

Un nouveau propriétaire au 17ème siècle

Ainsi au 17ème, sans que la date précise nous soit connue, l’hôtel Godran deviendra la propriété des Filsjean, une famille originaire d’Avallon, dont les membres avaient une charge à la Chambre des Comptes de Dijon. Il est fort probable que ce soit Jean Baptiste Filsjean de Mimande, maître des comptes à Dijon de 1671 à 1698 qui ait acheté l’hôtel grâce à ses relations avec les Godrans, qui étaient aussi à la Chambre des Comptes.

Jean Filsjean de Mimande, fils du précédent, devient Président à la chambre de 1713 à 1762. Afin d’affirmer son statut social, il décida de réaménager l’hôtel Godran. Comme cela se pratiquait souvent dans la noblesse parlementaire dijonnaise, Jean Filsjean de Mimande demanda à l’architecte maçon (nom inconnu) de conserver certaines parties anciennes de l’hôtel en les intégrant dans les nouvelles constructions.

Passage vouté style gothique Hôtel Godran
Statue Sainte Marguerite dans la courette de l’Hôtel Godran

Cette pratique était connu sous le nom de rhabillage, ou de « raccordement ». La conservation du bâti encore en bon état, n’avait pas uniquement pour but de faire des économies mais aussi d’affirmer et de conforter la position sociale des propriétaires de l’hôtel. Ainsi, il était possible de bénéficier du prestige, de la respectabilité soit de ses ancêtres dans le cadre d’une demeure familiale, soit des précédents occupants dans le cadre d’une acquisition : «j’habite et je réaménage la demeure de telle famille prestigieuse, ma famille est donc tout aussi grande et prestigieuse» (ici les Godrans).

De ce début du 18ème siècle, date l’aile des communs à droite du porche de la rue des Godrans et le corps central (éventré en 2019) de l’hôtel en fond de cour. Cette constructions du 18ème était orné à l’extérieur d’une douzaine de Bustes dont seulement 3 subsistent actuellement. Un vaste porche surmonté des armoiries de la famille Filsjean de Mimande permettait le passage des calèches et des carrosses.
A la Révolution, les armoiries furent détruites.

Au 20ème siècle

La ville de Dijon fit l’acquisition de l’hôtel Filsjean de Mimande en 1925, afin d’y installer le commissariat central de police. Ce dernier y restera jusqu’en 1973 jusqu’à la construction de l’hôtel de police de la place Suquet inauguré en juillet 1972.

Le commissariat central de police dans les années 60

C’est le Centre Communal d’Action Social (CCAS) qui succédera au commissariat de Police. Le CCAS de Dijon y restera jusqu’en 2013, puis déménagera Rue Chancelier de L’Hospital.

Le 29 juin 2015, la ville de Dijon a vendu cet ensemble architectural et patrimonial à un groupe d’investisseurs. Ces derniers ont transformé l’hôtel Filsjean de Mimande en Centre Commercial dénommé « Cour Bareuzai ». Les travaux effectuées pour cette transformation soulèveront de nombreuses interrogations sur le respect de la loi Patrimoine du 07 juillet 2015, et de la Convention UNESCO.
Le vieux Dijon étant classé au patrimoine Mondial dans le cadre des Climats de Bourgogne, l’UNESCO demandera des explications le 25 novembre 2020, à la délégation française, au vu du non respect de la Convention de 1972 de l’UNESCO.
Lire l’article à ce sujet

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