La DRAC au service de la bétonisation

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Hôtel Chartraire de Montigny à Dijon, siège de la DRAC Bourgogne Franche Comté

La tâche est immense au vu du patrimoine concerné et des atteintes qui lui sont faites.

Nous avons interpellé les administrations et responsables en charge de la sauvegarde et de la protection de ce patrimoine :

  • Le Ministère de la Culture et bien évidemment son Ministre Madame Roselyne Bachelot.
  • La DRAC de Bourgogne Franche Comté, représentation régionale du Ministère de la Culture. Les DRAC doivent veiller, au niveau de la région, à l’application et au respect des directives de leur ministère de tutelle ainsi que des lois concernant la culture et le patrimoine. Confronté aux élus(es) locaux et aux acteurs privées de la culture, ou du monde économique, il semblerait que souvent, trop souvent les DRAC ne remplissent pas leur mission ou que partiellement. C’est du moins ce que nous avons pu constater sur le terrain avec la DRAC de Bourgogne Franche Comté.
  • L’UNESCO et sa Directrice Générale Madame Audrey Azoulay

Certaines réponses sont encourageantes et démontrent le bien fondé de nos démarches, comme la réponse de l’UNESCO : Conformément à la Convention du patrimoine mondial, l’UNESCO a demandé en novembre 2020 des explications à la délégation permanente de la République Française sur les atteintes faites au patrimoine de Dijon et notamment sur la transformation de l’Hôtel Filsjean de Mimande en centre commercial « Cour Bareuzai ». En mars 2021, l’UNESCO faisait la même démarche pour le Rempart de Tivoli suite à notre signalement.

Sans réponse de la délégation permanente de la République Française, l’UNESCO a réitéré en 2021, ces demandes d’explication au sujet des constructions immobilières dans la zone de Dijon, classé Patrimoine UNESCO.

Projet Centre commercial Dauphine avec « rooftop »

Très prochainement, nous adresserons d’ailleurs un nouveau courrier à cette organisation afin de l’informer, comme elle nous l’a demandé, de l’évolution de la situation et notamment du projet de renouveau du Centre Dauphine. Ce projet de renouveau du Centre Commercial Dauphine consiste à la construction de bâtiments modernes disproportionnés dans le centre ancien de Dijon. L’un de ces bâtiment s’apparente ainsi à une tour avec à son sommet un « rooftop ». Ce projet est non seulement contraire à la loi patrimoine de 2016 et ne respecte pas le PSMV de Dijon, mais bafoue avec un grand aplomb, la Convention UNESCO dont pour rappel la France est signataire et donc adhérente.

D’autres réponses sont assez surprenantes par leur manque d’implication ou de réactivité telle celle de la DRAC Bourgogne Franche Comté, adepte apparemment de la politique de l’autruche. Sollicitée maintes fois dès décembre 2019 par notre collectif, et malgré l’intervention du cabinet de Mr Riester, Ministre de la Culture à l’époque, nous n’avons pu obtenir de réponse.

Tenaces, nous n’avons eu de cesse de relancer la DRAC Bourgogne Franche Comté. Ce n’est qu’en février 2021, que la Directrice de la DRAC BFC a daigné nous adresser un mail afin de répondre sur la forme mais pas sur le fond aux questions claires et précises que nous lui posions, notamment sur l’Hôtel Filsjean de Mimande.

Hôtel Filsjean de Mimande avant travaux

A cette réponse de la Direction de la DRAC était jointe un courrier daté du 20 mars 2020 adressé à un membre de notre collectif, courrier que ce membre atteste n’avoir jamais reçu et donc ne pas en avoir eu connaissance. Nous ne pouvons remettre en cause l’affirmation de ce membre, n’ayant aucun intérêt à ne pas communiquer ce courrier.

Dans ce courrier de mars 2020, la DRAC fait abstraction de la loi patrimoine de 2016, qui est le texte de référence pour le patrimoine en France.

Elle préfère évoquer la Charte de Venise, plus précisément son article 5 qu’elle cite avec détail pour justifier son action : « la conservation des monuments est toujours favorisée par l’affectation de ceux ci à une fonction utile à la société ; une telle affectation est donc souhaitable mais elle ne peut altérer l’ordonnance ou le décor des édifices. C’est dans cette limite qu’il faut concevoir et que l’on peut autoriser les aménagements exigés par l’évolution des usages et des coutumes ».

Sidérant !

Remis de notre étonnement devant une telle contradiction entre les écrits et les actes, nous avons adressé le 22 février 2021, un mail à la DRAC afin de lui signifier que l’article 5 de la Charte de Venise était très claire : …« l’affectation » … « ne peut altérer l’ordonnance ou le décor des édifices » …

C’est une condition absolue pour autoriser le moindre aménagement qui au vu des faits et du résultat n’a pas été respectée : pourquoi avoir éventré l’Hôtel Filsjean de Mimande relevant du PSMV et de la loi patrimoine de 2016 mais aussi de la Charte de Venise à travers son article 13 ? Pour rappel, l’Hôtel Filsjean de Mimande est contigu à l’Hôtel des Godrans et est donc concerné par la Charte de Venise puisqu’il fait partie de l’environnement de l’Hôtel des Godrans. (voir notre article : Hôtel Filsjean de Mimande).

Dans ce mail de février 2021, nous avons aussi interpellé la DRAC sur la situation d’autres monuments historiques classés de Dijon :

  • le rempart de Tivoli, menacé de destructions partielles pour un programme immobilier.
  • le parc du Chateau de Montmuzard lui aussi menacé par un programme immobilier. Ce programme ne respecterait pas, entre autre, la distance des 500 mètres et occasionnerait la bétonisation d’un Espace Boisé Classé.

La réponse de la DRAC tardant à venir, nous avons averti en mai 2021, Madame Roselyne Bachelot , Ministre de la Culture et donc tutelle de la DRAC.

Le chef de cabinet de la Ministre de la Culture nous a aimablement répondu qu’un signalement avait été fait au service concerné de la DRAC et que cette dernière nous répondrait…

Ce n’est qu’après une relance en août 2021 auprès du Ministère de la Culture qu’une réponse de la DRAC nous a été faite le 28 octobre 2021….

Ce manque de réactivité de la DRAC BFC et sa réponse tardive est des plus décevantes….et démontrerait :

  • soit un certain mépris pour notre démarche citoyenne et notre engagement pour la défense du patrimoine dans le cadre de la loi patrimoine et de son respect,
  • soit un réel embarras devant les nombreuses interrogations de notre collectif sur les atteintes faites au patrimoine dijonnais ; interrogations légitimes argumentées puisqu’elles s’appuient sur la loi.

Que ce soit du mépris ou de l’embarras, voire les deux, nous présentons ci dessous la position de la DRAC face aux différentes questions et demandes d’explications de notre collectif pour chaque dossier.

Hôtel Filsjean de Mimande éventré

Ainsi, concernant :

  • L’hôtel Filsjean de Mimande
    Sur le non respect de la loi patrimoine de 2016, les contradictions de la DRAC lors de l’application de la Charte de Venise, la DRAC invoque le Code du patrimoine et le Code de l’Urbanisme, et ose affirmer sans autre précisions : « les travaux motivés par la création d’espaces commerciaux et de circulations piétonnes entre la rue des Godrans et la Place François Rude ne portent pas d’atteinte majeure aux parties protégées monuments historiques»

    En résumé, la DRAC :
    – persiste dans sa contradiction sur l’application de la Charte de Venise,
    – valide le non respect des articles de la loi patrimoine évoqués dans nos différents mails (notamment le respect de la distance minimale de 500 mètres)
    – ne répond en rien à nos questions.

    Circulez, il n’y a rien à voir….

    Pourquoi une telle attitude et réponse ? Ceci est d’autant plus choquant, au regard de l’article de la revue « Dijon Métropole » Automne 2021, émanant des services communication de la métropole de Dijon, dont le président est le Maire de Dijon, François Rebsamen et qui reconnaît que la loi patrimoine doit s’appliquer sur la métrople dont Dijon fait partie : sur le territoire (de la métropole), les édifices classés ou inscrits au titre des Monuments historiques bénéficient d’une servitude de protection d’un rayon de 500 mètres autour d’eux.
    Quelle incohérence ! La loi n’est donc pas respectée à Dijon !
    La DRAC Bourgogne Franche Comté par son mutisme sur ce non respect serait donc complice ? Qui ne dit mot, consent.
  • Le rempart de Tivoli
    La DRAC évoque un diagnostic d’archéologie préventive prescrit par le Préfet de Région. Mais cet intérêt scientifique et la qualité patrimoniale de ces vestiges ont déjà été démontrés lors du classement de ces vestiges comme Monument Historique. Enfin cet intérêt historique et scientifique a récemment à nouveau été confirmé, lors du classement par l’UNESCO de la vieille ville de Dijon (dont font partie ces vestiges) comme Patrimoine Mondial de l’UNESCO dans le cadre des climats de Bourgogne. La DRAC, après une contradiction et une remise en cause de la Charte de Venise, contredit et remet en cause la Convention UNESCO. Ce ne serait pas la première fois, vu le précèdent avec l’Hôtel Filsjean de Mimande. Pourquoi ? Qu’y a t’il de supérieur qui permette de piétiner des textes internationaux ratifiés par la France ?
Vestige du rempart de Tivoli menacé par les promoteurs
  • Le Parc du Château de Montmuzard
    Pour rappel, ce site est menacé par un projet immobilier pour lequel l’ABF a donné son autorisation tout en reconnaissant que ce projet portait atteinte à la conservation ou la mise en valeur du Monument historique et de ses abords. L’examen du permis de construire précisait que cet accord de l’ABF était assorti de prescription, sans en préciser le nombre et l’objet. Le 08 mars 2021, nous avons donc adressé un mail à l’ABF, Madame Wodli, en charge du dossier afin de lui demander plus amples précisions sur cette autorisation :
    – Si il y avait une prescription ou plusieurs? (sachant que sur l’autorisation, une seule était évoqué : voir notre article sur Montmuzard).
    – Les raisons et fondements de cette prescription ?
    – Quelles sont les raisons et arguments juridiques qui permettent à cette prescription de pallier à l’atteinte du Monument historique et de ses abords, et donc de construire ce projet immobilier en contradiction avec la loi patrimoine ?

    Dans sa réponse du 28 octobre 2021, si la DRAC reconnaît le classement du château comme Monument historique, et le classement du parc comme Espace Boisé Classé, elle invoque l’art 130-1 du code de l’urbanisme et le PLUi HD pour justifier son impuissance à s’opposer à l’urbanisation du lieu.

    Cette affirmation est étonnante pour les raisons suivantes :
    – l’art 130-1 du Code de l’urbanisme est abrogé depuis le 23 septembre 2015. Pourquoi justifier en octobre 2021 une autorisation de juillet 2020 sur un article de loi abrogé en 2015 ? Est ce sérieux ? D’autant que cet article énonce : « le classement (EBC) interdit tout changement d’affectation ou tout mode d’occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements ». Seul l’exploitation de produits minéraux importants pour l’économie peut justifier une atteinte à un Espace Boisé Classé, ce qui n’est pas le cas à Montmuzard.
    – A la consultation du PLUi HD, rien n’oblige la DRAC à autoriser le programme NEXITY. Il est même énoncé dans le PLUi HD, que l’avis de l’Architecte des Batiments de France est demandé, notamment dans le cadre d’une Procédure Délimité des Abords (PDA). « En parallèle de la procédure de modification du PLUi-HD les périmètres de protection autour des monuments historiques (initialement un rayon de 500 mètres autour de chaque monument) sont ajustés dans le cadre d’une procédure de Périmètre Délimité des Abords (PDA) sur proposition de l’Architecte des Bâtiments de France (ABF) ».
    – Pour ce qui est de ces Périmètres Délimités des Abords, il est encore précisé : « Les périmètres délimités des abords des monuments historiques peuvent être redimensionnés sur proposition de l’ABF, en fonction des enjeux patrimoniaux urbains et paysagers propres à chaque monument, après la réalisation d’une procédure de périmètre délimité des abords (PDA). Cette procédure instituée par la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine du 7 juillet 2016 succède aux Périmètres de Protection Modifiés (PPM). Au sein de ces périmètres, la notion de co-visibilité n’existe plus et tous les avis de l’ABF sont désormais conformes. »
Arbres abattus dans le parc de Montmuzard

Ainsi, au vu de ces éléments, on peut légitiment affirmer que l’Architecte des Bâtiments de France est le personnage clé, voire central dans la préservation du patrimoine que ce soit à Montmuzard ou ailleurs. Cet ABF a le pouvoir d’autoriser ou de ne pas autoriser tous travaux, destructions ou aménagements pouvant nuire à la préservation de tout site patrimonial.

Cette évidence est même mentionnée plusieurs fois dans le Rapport d’Enquête d’Utilité Publique en lien avec le PLUi HD évoqué par la DRAC :

  • à la page 7 :
    « Conformément aux articles L. 630-1 du code du patrimoine et suivants, les périmètres de protection des monuments historiques inscrits ou classés peuvent être délimités par le Préfet sur proposition de l’Architecte des Bâtiments de France (ABF) après enquête publique, consultation des propriétaires ou affectataires domaniaux et de l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme (Dijon métropole). L’enquête publique fait suite : ▪ à la délibération du 17 décembre 2020, prise par Dijon métropole pour faire évoluer les périmètres de protection des monuments historiques au travers d’une procédure de périmètres délimités des abords (PDA) ; ▪ au courrier du 8 mars 2021, par lequel Monsieur le Préfet de Région Bourgogne-Franche- Comté a transmis les propositions de PDA élaborés par l’ABF au Président de Dijon métropole ; ▪ à la délibération du conseil métropolitain du 30 juin 2021 par laquelle après consultation des communes concernées par les projets de PDA, la métropole a émis un avis favorable aux propositions de PDA.
  • à la page 16 :
    « En parallèle de la procédure de modification du PLUi-HD les périmètres de protection autour des monuments historiques (initialement un rayon de 500 mètres autour de chaque monument) sont ajustés dans le cadre d’une procédure de Périmètre Délimité des Abords (PDA) sur proposition de l’Architecte des Bâtiments de France (ABF).
  • Ainsi la modification N°1 du Plan Local d’Urbanisme intercommunal Habitat Déplacements (PLUi-HD) et les Périmètres Délimités des Abords (PDA) des monuments historiques font l’objet d’une enquête publique unique en application des articles L.123 et suivants du code de l’environnement. »

Pourquoi l’ABF n’use t il pas de ce pouvoir ?

Bien au contraire la DRAC cherche à minimiser l’intérêt tant historique que patrimonial du château et du parc de Montmuzard.

Pourquoi avoir classé cet édifice en 1929, soit bien après les événements évoqués par la DRAC pour en 2021 remettre en cause cet intérêt historique. Cet intérêt historique, architectural et environnemental est pourtant indéniable, nous l’avons démontré dans deux articles.

Invoqué un article de loi abrogé , d’autant plus favorable à la protection, ou le PLUi HD pour dédouaner la DRAC des atteintes portées au patrimoine n’est en rien logique et fondé.

En conclusion

Encore une fois, il est clairement démontré au vu des courriers et réponses officielles que les institutions censées protéger et sauvegarder le patrimoine en France ne remplissent pas , ou très mal leur rôle.

Quelles en sont les raisons ?

Y a t’il des intérêts supérieurs privés qui priment sur l’intérêt collectif ? Notamment ceux de promoteurs ou d’investisseurs ? Si oui, pour quelles raisons ?

Le respect des lois et règlements est il valable pour tous ?

Qu’en est il de la transparence des décisions prises, et du fondement de ces décisions, notamment sur l’aménagement urbains ?

Il est regrettable qu’à ces interrogations et à bien d’autres, il ne soit pas apporté de solution, de réponses claires et nettes.

Certes Dijon Métropole opposera l’organisation d’une concertation citoyenne. Mais cette concertation n’est elle pas un écran de fumée pour mieux légitimer des décisions et des choix entérinées depuis un moment ?

On peut le penser au vu de l’organisation de cette concertation et du compte rendu qu’il en a été fait : (voir document PDF joint à cet article).

Ainsi, nous ne pouvons qu’émettre de sérieuses craintes sur la préservation du Patrimoine unique et inestimable de Dijon. Une bétonisation outrancière et fortement dommageable pour ce patrimoine, pour le centre ancien de Dijon, est en marche malgré des textes tant nationaux qu’internationaux sensés protéger le patrimoine.

C’est pourquoi nous invitons les lecteurs de cet article à adresser un courrier, ou un mail aux institutions ci dessous.

  • Ministère de la Culture Madame la Ministre Roselyne Bachelot. 3 rue de Valois 75033 Paris Cédex 01
  • Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) de Bourgogne Franche Comté. Hôtel Chartraire de Montigny 39 – 41 rue Vannerie BP 10578 – 21005 Dijon cedex https://www.culture.gouv.fr/Regions/Drac-Bourgogne-Franche-Comte
    • clic sur l’onglet « Votre DRAC »
    • ou si vous souhaitez avoir l’adresse mail : déroulez la page d’accueil jusqu’au paragraphe « contact et informations »
  • L’UNESCO Madame la Directrice Générale Madame Audrey Azoulay 7 Place Fontenoy 75007 Paris.

Références légales et publication :

  • Art 130-1 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000031220470/2012-01-28
  • PLUi-HD et ses annexes

https://www.metropole-dijon.fr/Services-et-missions/Urbanisme/PLUi-HD-Plan-local-d-urbanisme-intercommunal-Habitat-Deplacements/PLUi-HD-en-vigueur

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