Le Musée des Beaux Arts de Dijon, une récente rénovation qui interpelle, car peu respectueuse du patrimoine et de l’histoire d’une ville.
La rénovation du musée des Beaux Arts de Dijon : raisons et les enjeux
Dès le début des années 1980, la rénovation et surtout la nécessité d’une restructuration globale du musée des Beaux Arts (MBA) sont évoquées maintes fois par les différents conservateurs qui vont se succéder à la tête de l’institution jusqu’en 2003. Pourtant, ces différents conservateurs ne sauront convaincre le maire de l’époque, Robert Poujade, d’exécuter ce vaste et primordial chantier. En effet, Robert Poujade, maire de Dijon de 1972 à 2001 ne consentira qu’à des travaux de rénovation, notamment avec l’aménagement des combles de la Tour de Bar, de l’aile 19ème afin d’accueillir des œuvres pré et post impressionnistes, et modernes de la Donation Granville. Les salles des collections 18ème et 19ème ne bénéficieront que d’un rafraîchissement des peintures murales. Malheureusement, ces travaux ne pouvaient résoudre les différentes problématiques liées au vieillissement des infrastructures (problème de résistance aux charges au sol notamment pour la salle 18ème des statues), des installations techniques (électricité, sécurité du bâtiment et des œuvres et conservation des œuvres) et à l’accueil du public soulevées par ces différents conservateurs. Le débat sur la situation et la nécessité de travaux s’intensifia de 1990 à 2000, au point que la municipalité chargea à la fin des années 90, Eric Pallot, architecte en chef des Monuments Historiques, d’exécuter une étude préalable sur la restauration des bâtiments abritant le MBA.
Lors de la campagne électorale des municipales de 2001, ce dossier de la rénovation du MBA s’invitera dans les débats.
En mars 2001, avec l’élection d’un nouveau maire, François Rebsamen, il est envisagé de revoir entièrement le MBA de Dijon et la présentation de ses collections. Des études sur le bâtiment et la mise en œuvre de travaux sont faites de 2002 à 2007 d’une manière plus approfondie.
Des paroles de campagne municipale aux actes : la définition et le choix de projet
François Rebsamen, qui avait fait de la rénovation du MBA l’un des axes forts de son programme culturel si il était élu, confirme Eric Pallot dans sa mission.
Dès mars 2001, parmi les grandes lignes du projet, il est préconisé une réorganisation des collections en privilégiant la chronologie plutôt que les écoles mais aussi de remettre en valeur le bâtiment et surtout de l’ouvrir sur la ville en créant notamment différents points de vues sur cette ville.
Nous verrons plus tard que ce dernier point et son interprétation seront à l’origine d’une atteinte au bâtiment et au non respect de la loi.
Le 19 mars 2003, un comité de pilotage valide le projet et l’implantation des collections autour de la cour de Bar. Un programme technique (PTD) est élaboré avec cinq grands principes sur lesquels les architectes sont amenés à travailler. Parmi ces cinq principes, deux vont avoir une importance sur le bâtiment :
- L’élaboration de trois circuits de visites correspondants à 3 périodes de l’art en corollaire à 3 phases de constructions du bâtiment historique du MBA et qui doivent aboutir à 3 entrées différentes. Ce principe sera revu lors de l’exécution des travaux.
- L’évocation du respect du Palais comme monument historique tout en énonçant : « l’intervention architecturale contemporaine serait encouragée, dans la mesure ou elle sera utile et pertinente ». Remarquons que bien avant le début des travaux, l’énoncé de ce principe est contradictoire : comment respecter un édifice classé monument historique et faire une intervention architecturale contemporaine sur cet édifice dans le respect des règlements et dispositions légales sur la protection du patrimoine ?
Il n’en demeure pas moins que le 8 octobre 2004, un second comité de pilotage approuve ce PTD et le phasage des travaux en 3 tranches, correspondant aux 3 entrées projetées du MBA.
Le 31 janvier 2005, le conseil municipal de Dijon approuve lui aussi le PTD, vote une enveloppe financière pour l’exécution de ce projet pour un montant de 50 millions d’euro et décide d’organiser un concours pour la désignation d’un maître d’œuvre.
Au terme de ce concours qui a reçu 82 candidatures, le jury propose, le 14 novembre 2005, les ateliers Lion Architectes Urbanistes, sous la direction d’Yves Lion, comme maître d’œuvre. Ce choix est approuvé par le conseil municipal du 30 janvier 2006.
Eric Pallot est aussi proposé comme architecte en chef des monuments historiques pour la restauration des façades et des espaces historiques du palais. Trois phases de chantier sont dans un premier temps programmées pour un montant total revu à la hausse de 60 millions d’euro. La 1ère phase débutera en 2008 et sera inaugurée en 2013. Lors de la 2ème phase de chantier, le principe de 3 entrées pour chaque période sera abandonnée au profit d’une seule entrée, celle historique de la place de la Sainte Chapelle. La 3ème phase de chantier sera couplée avec la 2ème pour aboutir à une inauguration en grande pompe du MBA le 17 mai 2019 avec la présence de l’ancien président de la République, François Hollande, du ministre de la culture, de députés, sénateurs et autres personnalités locales.
Dès la 1ère phase de 2008 à 2013 après Bellegarde, les travaux dérapent avec la salle des Gardes
Cette première phase concerne la galerie de Bellegarde, le bâtiment voisin de l’escalier du Prince, et tout le logis ducal construit sous Philippe le Bon. Elle doit permettre de dévoiler au public les 14 salles du parcours Moyen Age et Renaissance.
Les travaux débutent avec la restauration tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de la galerie de Bellegarde construite en 1614, afin de lui redonner tout son lustre. En effet, depuis 1836, cette galerie avait été rendue aveugle par l’obturation de ses fenêtres et seul un éclairage zénithal laissait pénétrer la lumière du jour. Une restitution de la voûte en berceau en bois de chêne, la réouverture des fenêtres et son pavage en tommettes rendent au lieu toute sa splendeur à l’intérieur, tandis qu’à l’extérieur les façades sont nettoyées et la toiture en ardoise refaite. La mise en valeur de la galerie s’avére une réussite.
Ce qui a prévalu pour la galerie de Bellegarde, à savoir le respect du monument historique, de son architecture et de son histoire ne fut pas aussi présent et appliqué avec autant de rigueur pour d’autres parties du palais.
Des fouilles archéologiques réalisées durant cette 1ère phase sont menés de manière bénévole par le Centre de Castellogie de Bourgogne, mais d’après Hervé Mouillebouche, le responsable de ce centre et des fouilles « le travail d’étude préalable a été un peu trop rapide ». Cet avis est intéressant lorsque l’on sait qu’Hervé Mouillebouche est maître de conférence en histoire médiévale à l’Université de Bourgogne et auteur d’un livre sur le palais des Ducs.
Dans le mémoire de Betty Garrey sur ces travaux, il est même précisé « En raison de la complexité historique et architecturale, une étude archéologique approfondie aurait pu servir de point de départ logique à toutes les décisions concernant la restauration du palais ». Alors, pourquoi cette étude archéologique approfondie n’a pas été menée ? La loi le permet (art 521-1 art 523-4 art 531-4 du Code du patrimoine – ordonnance n° 2004-178 du 20 février 2004).
Il est même précisé « Les résultats de ces investigations (fouilles et recherches) n’ont pas forcément été pris en compte pour la rénovation. »
Le sol de la salle des Gardes est refait au mépris des considérations historiques du lieu : l’Architecte des Monuments Historiques, Eric Pallot, ayant décidé de mettre à niveau ce sol de la salle des Gardes.
Cette décision, pour le moins incongrue, entraîne la perte d’un témoignage historique de l’architecture médiévale, à savoir la déclivité du sol de la salle des Gardes, (ancienne salle des festins), qui permettait de faciliter le nettoyage de ce sol. Cette déclivité était en lien avec les tuyaux situés dans un coin de la pièce et dont les archéologues ont prouvé qu’ils desservaient les fosses et les latrines.
Le manque de considération du résultat des fouilles a eu une autre conséquence assez déconcertante lorsque l’on sait qu’entre 2008 et 2013, Dijon postulait dans le cadre des Climats de Bourgogne pour être classé au patrimoine mondial UNESCO : Le refus de rendre accessible et d’ouvrir à la visite les caves des Ducs au sein du palais afin de créer une halte historique et œnologique.
La mise en valeur du palais et de son patrimoine aurait été plus grande et cohérente, d’autant que la loi le permettait, à défaut de l’encourager (art 531-14 du Code du patrimoine – ordonnance n° 2004-178 du 20 février 2004). Il en a été décidément autrement : les caves accueillent des machines destinées au fonctionnement du musée et sont donc écartées du public.
Le pire de la 1ère phase arrive : une prétentieuse verrue moderne bling bling et un salon fin 17ème éventré et bétonné
Lors des municipales de 2001, le candidat François Rebsamen s’était engagé publiquement à rendre tout le palais aux Dijonnais(es) et donc d’établir la mairie en un autre lieu.
Promesse de campagne bien vite oubliée, puisque lorsque le nouveau maire eut goûté aux ors et confort du pouvoir et de ses palais, le déménagement de la mairie fut définitivement mis aux oubliettes.
Il fut juste consenti de libérer un des salons fin 17ème, faisant office de bureau du premier adjoint, au profit du nouveau MBA, au motif de créer un escalier moderne et de faciliter la circulation dans le nouveau MBA.
Cette concession est chèrement payée par le patrimoine, puisque le salon est éventré et bétonné. Pour rappel, ce salon faisait partie des appartements des princes de Condé, gouverneurs de la Bourgogne de Louis XIV à Louis XVI. Ce salon, éventré et bétonné pour créer un escalier moderne, est pourtant voisin d’un autre escalier, celui dit du Prince. Cet escalier du Prince avait à juste titre été construit par Robert de Cotte, (architecte de la chapelle de Versailles) pour accéder aux appartements. Il est donc légitime de s’interroger sur les choix opérés dans la mise en place du parcours muséographique, de la promesse non tenue du Maire, et de ses conséquences sur le Patrimoine.
Car, à l’examen des différents documents ayant attrait à ces travaux de rénovation du MBA et des compte rendus d’interviews des différents protagonistes, un point fondamental a posé problème : le parcours du visiteur et sa cohérence par rapport à la présentation des collections.
A ce fait, Eric Pallot ajoute une autre raison des plus discutables pour justifier l’ajout d’une construction moderne sur un édifice classé par arrêté du 22 mai 1926. Pour Eric Pallot, l’espace entre l’aile 18ème (voisine de cet escalier du Prince) et la galerie de Bellegarde est une « non architecture », cet espace est aussi qualifié de « dent creuse » qu’il faut combler par une « intervention contemporaine » afin de marquer les esprits et « fonctionner comme un signal auprès du visiteur ».
L’ancien toit d’ardoise est démonté et remplacé par une surélévation vitré avec structure en béton recouvert d’un alliage de cuivre doré
Tout comme le saccage du salon évoqué précédemment, cet ajout moderne interpelle non seulement au regard de la loi patrimoine (art 621- 9 et 621-30 du Code du patrimoine – ordonnance n° 2004-178 du 20 février 2004) mais aussi au regard de la lisibilité, de la compréhension de l’évolution de ce palais :
- C’est priver les générations futures d’une lecture aisée de la transition de palais Ducal au Logis du Roy avec des ajouts faits par de grands architectes tel Hardouin-Mansart, Robert de Cotte, Le Jolivet.
- C’est travestir et trahir l’histoire d’un monument.
L’attitude de l’ABF, Eric Pallot, des plus prétentieuses, dénuée de toute humilité à l’égard de ces prédécesseurs, s’avére surtout contraire à la mission de protection et de sauvegarde dévolue aux Architectes des Bâtiments de France. Nous comprenons mieux l’embarras de la DRAC à nous répondre, lorsque depuis 2019 nous l’interpellons sur ce qui a été réalisé et demandons des explications. (voir paraphe suivant)
2ème phase de 2015 à 2019 : après la verrue de cuivre, le cataplasme de verre à côte d’une tour du 15ème
De septembre 2015 à février 2016, c’est l’ensemble des œuvres du 17ème au 20ème qui quittent le palais pour rejoindre les réserves du Musée, et libérer le terrain pour la seconde tranche des travaux.
Une quarantaine de salles sont en travaux, essentiellement dans l’aile orientale du palais (côté place de la Sainte Chapelle) et il s’agit de réinventer la boutique librairie qui se trouvait à l’accueil du MBA dans un espace restreint.
Pour cela, toute la partie intérieure (plafond, plancher, cloison) de l’aile 19ème du MBA est détruite afin d’avoir le maximum de liberté pour l’aménagement et la mise aux normes des installations techniques, sécuritaires et des espaces d’expositions. Seule l’escalier 19ème est conservé, et restauré. La charpente est inspectée afin de savoir ce qui peut être conservé de ce qui doit être remplacé. 40 000 ardoises sont repositionnées.
Ce chantier est également l’occasion de réaliser des fouilles archéologiques avec l’INRAP notamment dans le sous sol du bâtiment donnant sur la place de la Sainte Chapelle.
Cette 2ème phase intervient aussi sur la tour de Bar afin de la rendre plus facilement accessible tout en respectant sa structure et son décor. La salle des peintures et la salle des Statues ainsi que les salles de l’aile donnant sur la rue Rameau sont restaurées et mises en valeur avec une certaine réussite. La raison de cette réussite pour ces salles est le respect du patrimoine.
Mais comme pour la 1ère phase avec le toit cuivré de la cour de Bar, l’architecte Eric Pallot veut un geste architecturale contemporain.
Une intervention architecturale contemporaine visible aussi en extérieur est donc proposée : une extension vitrée donnant sur la rue Longepierre et la place des Ducs. Cet espace doit accueillir les collections Granville du 20ème siècle. A nouveau, peu importe le monument et la Loi patrimoine. Peu importe aussi la convention UNESCO : en effet, suite au classement des Climats de Bourgogne par l’UNESCO le 04 juillet 2015, le vieux Dijon dans le cadre de ce classement des Climats est aussi inscrit au patrimoine mondial, et donc soumis au respect de cette convention UNESCO de 1972. Dans cette convention, il est clairement énoncé que le patrimoine classé UNESCO ne peut être dénaturé, détruit (art 5d – convention UNESCO du 16 novembre 1972) et que les autorités en charge de ce patrimoine (État ou collectivités) se doivent de le protéger et conserver (art 6 – 2 convention UNESCO du 16 novembre 1972).
Cet article 6-2 de la convention UNESCO est confirmé par l’art L612-1 du Code du patrimoine du 04 juillet 2017 : cet article L612-1 stipule que l’état, ses établissements publics (à savoir ici la DRAC Bourgogne Franche Comté) et ses collectivités territoriales (donc la ville de Dijon) assurent « la protection, la conservation et la mise en valeur du bien en tant que bien du patrimoine mondial en application de la convention UNESCO ».
Pourtant cette 2ème phase, une fois achevée en 2019, donnera lieu à des festivités, ou de nombreuses personnalités locales mais aussi nationales viendront se montrer, afin de cautionner volontairement ou involontairement, par ignorance ou par pure bêtise un saccage patrimonial indéniable.
Dijon fait elle encore partie d’un état de droit ? La question s’avère légitime au vu du non respect de la loi par les autorités municipales
Lors de la première phase de travaux, la déclivité de la salle des Gardes, le saccage d’un salon des appartements du prince de Condé, et l’ajout moderne en cuivre sur le bâtiment voisin de l’escalier du Prince ne pouvaient et ne devaient pas être réalisés.
Il en va de même pour la partie moderne vitrée édifiée lors de la 2ème phase et contiguë à la tour de Bar : elle ne pouvait et ne devait pas être réalisée.
Les raisons ?
Le Palais est classé monument historique depuis 1862. L’arrêté du 22 mai 1926 confirme non seulement ce classement mais en donne le détail, précisant clairement les diverses parties composant le palais des Ducs et des Etats de Bourgogne qui sont classées. Il est fait mention dans cet arrêté de « la salle des Gardes », des « salles du premier étage du bâtiment donnant sur la cour d’Honneur contigu à la Chapelle et à la Grande Salle des Etats » (il s’agit des appartements du prince de Condé dont fait partie le salon éventré) et les «couvertures du bâtiment reliant l’escalier de Bellegarde au grand corps de logis du palais des Ducs », formulé autrement les couvertures du bâtiment voisin de l’escalier du Prince et auxquelles ont été substitués un étage en béton avec couverture en cuivre des plus moderne.
Ce classement induit donc l’application et le respect de la loi de 2004 sur le patrimoine pour toute intervention architecturale : le salon des appartements princiers ne pouvait être éventré, la destruction du toit d’ardoise fin 17ème au profit d’une construction moderne en cuivre et l’ajout d’une structure vitrée mitoyenne à la tour de Bar ne pouvaient donc se faire au vu des art 621-2 art 621-9 art 621-30. Pourquoi l’ABF l’a t’il fait ? Pourquoi la DRAC a t’elle laissé faire ?
A ce fait, il est bon de rappeler que le palais qui abrite le MBA se situe dans le secteur sauvegardé de Dijon créé par arrêté ministériel du 19 avril 1966 et issu de la loi 62-903 dite loi Malraux du 04 août 1962 et confirmé par la loi 76-1285 du 31 décembre 1976 qui a modifié les secteurs sauvegardé en PSMV (Périmètre de Sauvegarde et de Mise en Valeur de ces secteurs sauvegardés).
A l’article 2 de la loi Malraux, il est clairement énoncé « que l’autorisation (de travaux) ne peut être délivrée que si les travaux sont compatibles avec le plan de sauvegarde et de mise en valeur ».
La loi de 2004 sur le patrimoine traite aussi des secteurs sauvegardés notamment avec l’art 641-1 qui renvoie à différents articles du code de l’urbanisme. Ainsi :
- l’art L313-1 de ce Code de l’urbanisme énonce que « la démolition, l’enlèvement ou l’altération d’immeuble classé serait interdit » ou que « la modification de ces immeubles serait soumise à des conditions spéciales ».
- L’art L313-2 du même code énonce que tout travaux « ayant pour effet de modifier l’état des immeubles est soumis à autorisation » et que « cette autorisation ne peut être délivrée que si les travaux sont compatibles avec le plan de sauvegarde ».
Il est de plus étonnant, comme nous l’avons évoqué précédemment pour les caves du logis ducal, que lors de cette première phase, la ville de Dijon faisait acte de candidature pour son classement au patrimoine UNESCO, dans le cadre du dossier des Climats de Bourgogne.
En conséquence, cet acte de candidature imposait aux autorités municipales un engagement sur le respect de la convention UNESCO.
Comment, malgré ces différentes interventions contraire à la convention UNESCO, Dijon a pu soit exécuter ces travaux, soit obtenir le classement UNESCO ?
Si les bâtiments 19ème ne figurent pas dans l’arrête de 1926, la construction de l’espace vitré en surplomb de ces derniers et voisin de la tour de Bar, ne pouvait pas se faire au vu de l’art 621-2 du Code du patrimoine – ordonnance n° 2004-178 du 20 février 2004 qui institue le respect d’une distance de 500 mètres autour d’un édifice classé monument historique et sans oublier encore le fait d’être en secteur sauvegardé, soumis aux réglementations évoquées précédemment.
François Rebsamen dans une publication de Dijon Métropole (n°57) a confirmé le respect par les services de la métropole dont Dijon fait partie de cette distance de 500 mètres, Ou est la cohérence ?
Autre raison qui devait empêcher la construction de ce « cataplasme » vitré mitoyen de la tour de Bar du 15 ème siècle : le classement UNESCO du centre ancien de Dijon dans le cadre des Climats de Bourgogne depuis le 4 juillet 2015.
Le rôle ambigu et déconcertant de la DRAC Bourgogne Franche Comté
La DRAC est la représentation de l’État, plus précisément du ministère de la culture, pour la protection et la conservation du patrimoine dans les régions de la France.
Dès janvier 2020, le ministre de la culture, Mr Franck Riester est interpellé sur les atteintes faites au patrimoine de Dijon, plus précisément à l’hôtel Filsjean de Mimande et au palais des Ducs et des États de Bourgogne qui héberge le musée. Nous lui avons fait part du mutisme de la DRAC Bourgogne Franche-Comté à l’encontre de notre mail du 4 décembre 2019 sur ces atteintes patrimoniales.
Ce n’est que le 26 février 2021, après plusieurs relances que nous avons eu connaissance d’une réponse qui nous aurait été faite le…26 mars 2020…
Le contenu de cette réponse est affligeant : afin de légitimer les travaux tant sur Filsjean de Mimande que sur le musée des Beaux Arts, la DRAC invoque la charte de Venise, au risque de se contredire et de démontrer ses erreurs. La charte de Venise a été adopté en 1965 et précède la convention UNESCO de 1972. Cette charte de Venise est encore plus claire et rigoureuse que la convention UNESCO, voire même que la Loi patrimoine. Cette charte affirme :
- art 5 : tous les aménagements « ne peuvent altérer l’ordonnance ou le décor des édifices »
- art 6 : « tout aménagement qui pourrait altérer les rapports de volumes et de couleurs seront proscrits »
Nous avons aussi signalé à la DRAC, la disparition de certains éléments patrimoniaux, comme les portes d’entrée du MBA en bois massif du 19ème siècle ou les chasse roues des entrées de cour (de Flore et de Bar). Au vu des art 7 et 8 de cette même charte, ces éléments n’auraient pas du être enlevés.
Alors pourquoi la DRAC invoque t’elle cette charte de Venise pour justifier ses autorisations d’atteintes patrimoniales ? Incompétence ? Embarras ? Bêtise ? Ou autres raisons moins avouables et touchant au politique ?
Ce qui est certain c’est que le patrimoine dijonnais classé monument historique et de plus classé patrimoine UNESCO devait être protégé par la DRAC Bourgogne Franche Comté mais ce patrimoine, au vu des faits, ne l’a pas été.
Dès la connaissance de la réponse sidérante de la DRAC, nous avons adressé un mail à cette administration afin de lui faire part de ses contradictions, et à nouveau de nos observations et interrogations.
Aucune suite et réponse ne sont faites à notre mail : Il semble que pour la DRAC le dossier du MBA avec les atteintes faites au palais des Ducs et des États de Bourgogne soit un dossier clos et classé. Attitude assez choquante et peu respectueuse du citoyen pour une administration qui se doit d’être au service du public et dont la mission est la sauvegarde du patrimoine.
Des disparitions patrimoniales gênantes pour la municipalité ?
Le 10 juin 2019, un courrier dans le cadre d’une démarche citoyenne prônée dès 2001 par Mr Rebsamen, maire de Dijon, lui était adressé par un de nos membres. Ce courrier interpellait le maire de Dijon sur la disparition de certains éléments patrimoniaux consécutif aux travaux du MBA :
- vestiges de la maison des tonneliers et grilles du square des Ducs
- trophées du 17ème de la cour de Bar (qui étaient les vestiges de l’arc de triomphe de Dijon)
- chasse roues des cours de Bar et de Flore
- portes du 19ème en bois massif (chêne ?).
Le 9 septembre 2019, Mr Rebsamen répondait d’une manière assez évasive à ce courrier. Pour le maire de Dijon, il n’y avait pas d’inquiétude à avoir : les pièces de patrimoine évoquées étaient stockées en « lieu sécurisé sous le contrôle des services de la ville et de la conservation des musées de Dijon ». Aucune précision sur le lieu, les méthodes de conservation et le devenir de ce patrimoine urbain et historique commun aux dijonnais et dijonnaises ne fut donnée.
Par contre cette démarche citoyenne du 09 juin 2019 ne plut apparemment pas au maire de Dijon : dans sa réponse administrative du 9 septembre 2019, Mr Rebsamen écrivit de sa main un commentaire assez désobligeant et antipathique, cherchant à la limite à faire culpabiliser tout citoyen se posant des questions et s’adressant aux personnes qualifiés qui lui doivent réponse.
Pourquoi ce commentaire manuscrit acerbe de la part de cet élu face à une démarche citoyenne légitime, et vantée, prônée par ce même élu, Mr Rebsamen, lors de sa campagne électorale de 2001 et les suivantes ?
Peu satisfait de cette réponse minimaliste, et malgré le commentaire manuscrit du maire, un deuxième courrier lui fut adressé afin de lui demander plus de précisions sur la conservation et le devenir de ce patrimoine.
Aucune réponse et donc précision ne fut donnée à ce second courrier.
En résumé ? : « Circulez, il n’y a rien à voir. Je suis le maître, je fais ce que je veux, ce que bon me semble ? »
Ainsi en tant qu’élu de la République, le maire de Dijon pourrait disposer selon son bon vouloir du bien commun sans avoir de compte à rendre ? Ne serait ce qu’aux citoyens(nes) ? Ou aux autres élus de la République ?
Pourquoi ce mépris, cette absence de transparence ?
Conclusion
La rénovation du MBA a certes permis de résoudre des problématiques liés au vieillissement des infrastructures par la mise aux normes des installations techniques notamment l’électricité et les systèmes de sécurité, d’améliorer la sécurité et la conservation des œuvres, d’améliorer aussi l’accueil et la sécurité du public, mais cette rénovation se révèle aussi dans l’ensemble fortement préjudiciable pour le palais.
Cette rénovation tape à l’œil est loin d’être le succès et la réussite vantée par l’équipe municipale et les politiques tant locaux que nationaux présents à l’inauguration.
Si pour l’année de son inauguration, la fréquentation du MBA a atteint 350 000 visiteurs, après une baisse pendant les années COVID à 150 000 visiteurs, cette fréquentation pour 2022 n’est que de 263 000 visiteurs, alors que la municipalité en attendait 400 000.
Si les surfaces d’exposition avec les 50 salles ont été agrandies, passant de 4 239 m2 à 6 356 m2, la capacité à exposer correctement des œuvres a néanmoins baissée : Sandrine Balan, conservatrice du musée affirme dans une interview à « Trace Ecrite New » : avant les travaux, « de 2 000 œuvres exposées, on passe à 1 530 œuvres » après les travaux soit une baisse de 30 % du nombre d’œuvres exposées.
Sur le plan patrimonial, le respect et la conservation du palais, sa mise en valeur, c’est un échec total : le bâtiment a été vandalisé, dénaturé.
Le fonctionnement et l’attitude de la DRAC au cours des travaux est des plus négatif et pose problème. Comment cette administration a pu faillir à sa mission de sauvegarde et de conservation ? Pourquoi la DRAC a donné des autorisations de travaux au détriment du patrimoine ?
Comment est il possible que la loi sur le patrimoine ait pu être contournée, et la charte de Venise, ainsi que la convention UNESCO aient pu être ainsi bafouées ?
Les générations futures jugeront, et seront peut être sévères au vu de la spoliation d’un héritage culturel et historique dont elles sont victimes.
Nos élus ont trop tendance à oublier qu’ils ne sont pas les propriétaires des héritages culturels et historiques intergénérationnels : ils n’ont qu’un devoir de protection, d’entretien et de respect de ce patrimoine pour avoir le droit de l’utiliser avec humilité afin de le transmettre dans le meilleur état d’origine.
Pour autant, qu’en est il de la promesse de campagne du candidat Rebsamen, de rendre le palais aux dijonnais en déménageant la mairie en d’autre lieu, afin de créer un Louvre de province ?
Les pièces d’apparat du palais dévolues au maire et à son équipe devaient être rattachées au musée et accessibles aux visiteurs toute l’année et non pas un week-end par an, lors des journées du patrimoine.
Un nouveau MBA qui ne serait pas à la hauteur des promesses du projet de d’origine qui étaient pour rappel :
- agrandir la surface d’exposition
- respecter le MH
- Garder sa réputation de Louvre de Province et de 2ème MBA de France
Ce nouveau MBA est concurrencé par le Louvre Lens, et surtout le MBA de Lyon, dont la surface d’expositions est plus grande et la collection exposée plus importante tant en nombre qu’en qualité et mieux mise en valeur au sein du palais abbatial Saint Pierre.
Ainsi, n’aurait il pas été plus judicieux comme projet culturel de transférer le MBA de Dijon au sein du vieil hôpital. Ce dernier par sa grande superficie aurait sûrement permis de présenter une plus grande partie des collections, et à moindre frais ou du moins avec une plus grande efficience des sommes engagées.
Les anciennes grandes salles de malades, en retrouvant leur volume perdus au 20ème siècle auraient permis une exposition aisé de toute type d’œuvre d’art (grande ou petite) sculptée ou peinte et une circulation plus adaptée à différents parcours de visites.
Libéré du musée des Beaux Arts par le transfert des collections sur le site du vieil hôpital, et avec le déménagement de la mairie comme s’y était engagé en 2001 le candidat maire François Rebsamen, le palais des Ducs et des Etats de Bourgogne, ouvert dans sa totalité au public, aurait pu devenir un nouveau pôle d’attraction touristique : le palais aurait pu abriter un musée dédié à l’histoire ducale et princière de la Bourgogne, comme cela se voit au palais ducal à Nancy, ou à Paris avec le musée Carnavalet dévolu à la ville de Paris.
Les tombeaux et les retables, trop fragiles pour être déplacés, et liés directement à cette histoire prestigieuse de la Bourgogne et de Dijon seraient rester en place afin de jouer « les locomotives » de ce qui aurait pu être un nouveau grand musée municipal, complémentaire du MBA transféré sur le site du vieil hôpital.
Ayant plusieurs centres touristiques d’intérêt et de renom, le tourisme en aurait été dopé entrainant de facto une hausse de la durée moyenne de séjour des touristes. Pour rappel cette durée moyenne plafonne à moins de 2 nuitées depuis des décennies. Cette hausse de la moyenne de durée de séjour aurait été facteur de richesses non délocalisables, de création d’activité et d’emplois. A l’heure actuelle, ce n’est pas le cas malgré les investissements opérés. Récemment, un reportage du 20h00 de TF1 démontre que l’investissement de 40 millions d’euro pour la transformation du vieil hôpital en cité de la Gastronomie serait un échec : déficit de 1,7 millions € et absence de visiteurs. Le MBA en lieu et place d’une cité de la Gastronomie déficitaire car vide d’intérêt et du programme immobilier qui a saccagé le vieil hôpital, aurait changé la donne. Ce transfert du MBA dans un lieu sûrement plus adapté et à moindre coût comme le vieil hôpital aurait préservé le palais des Ducs et des Etats de Bourgogne de graves atteintes patrimoniales. Les collections du MBA en auraient tiré un plus grand bénéfice dans la qualité et les surfaces d’expositions.